Un océan de compétences autour de la biodiversité marine

Le 09/07/21

 

La biodiversité marine est une notion transversale qui se retrouve dans tous les volets de l’économie bleue et, donc, dans chaque domaine d’action stratégique du Pôle Mer Bretagne Atlantique. Un vaste ensemble de projets labellisés par celui-ci aborde cette thématique sous l’angle de l’observation (permettant une meilleure compréhension) ou de la préservation (allant jusqu’à recréer de la biodiversité). La question de l’innovation ouvre la voie à des recherches prometteuses s’agissant, par exemple, de biomimétisme ou de bioinspiration.

« La biodiversité est considérablement plus qu’un catalogue ou un inventaire », a coutume de dire Gilles Bœuf, célèbre biologiste, professeur à Sorbonne Université et ancien directeur du Museum national d’Histoire naturelle : « C’est en fait tout l’ensemble des relations établies par les êtres vivants entre eux et avec leur environnement. »

D’un point de vue réglementaire, les écosystèmes marins font l’objet d’une attention particulière grâce à la Directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » (DCCSMM) du Parlement européen, qui vise à « maintenir ou restaurer un bon état écologique du milieu marin ». 

Pour chaque zone sous-marine (Manche-Mer du Nord, Mer Celtique, Golfe de Gascogne, Méditerranée occidentale), les autorités compétentes – la direction interrégionale Nord Atlantique Manche Ouest pour le territoire couvert par le Pôle Mer Bretagne Atlantique – doivent élaborer et mettre en œuvre, en association avec les acteurs concernés, un plan d’actions pour le milieu marin (PAMM) comprenant une évaluation initiale des eaux marines, une définition du bon état écologique pour ces mêmes eaux, la définition d’objectifs environnementaux, ainsi qu’un programme de surveillance et de mesures qui permette d’atteindre ces objectifs.

Guillaume Sellier, directeur de la direction interrégionale Nord Atlantique Manche Ouest, explique : « La biodiversité est l'affaire de tous. En tant que DIRM, qui coordonne les politiques en mer et sur le littoral pour le compte des préfets coordonnateurs de façade, le développement durable des activités maritimes et la sécurité maritime,
notre administration vise avant tout la préservation du vivant. Il ne s'agit pas d'opposer l'homme à la nature mais au contraire de trouver des modes d'action (technologiques, comportementaux...) qui soient compatibles avec la capacité de résilience des écosystèmes. Jusqu'à une certaine limite, les écosystèmes s'accommodent de la pression de l'homme. Au-delà, la biodiversité ne se régénère pas. Notre action vise à s'assurer que les mesures soient bien mises en œuvre et nous nous appuyons pour cela sur les acteurs locaux de chaque territoire, au premier rang desquels les acteurs du tissu socio-économique. »

Comprendre la biodiversité et la protéger

La notion de biodiversité se retrouve de façon transversale dans tous les domaines d’action stratégique du Pôle Mer Bretagne Atlantique, d’autant que la transition écologique fait partie des enjeux majeurs clairement identifiés du Pôle. A travers des projets ou des formations labellisées, le Pôle Mer Bretagne Atlantique intervient dans l’observation pour comprendre la biodiversité et son évolution.

La diversité spécifique connue dans l’océan ne dépasse pas 13 % de l’ensemble des espèces vivantes actuellement décrites, soit moins de 300 000 espèces sur un peu plus de 2 millions d’espèces évoluant dans le milieu aquatique, rappelle Gilles Bœuf. Autant dire qu’il reste beaucoup à découvrir ! Le projet Phenomap, labellisé par le Pôle Mer Bretagne Atlantique, vise ainsi à combler les lacunes phénotypiques concernant le phytoplancton, dont la plupart des espèces n’est pas encore génétiquement décrite alors que l’on sait que ces micro-organismes photosynthétiques jouent un rôle central dans les cycles biogéochimiques aquatiques. 

D’autres projets labellisés visent à comprendre la biodiversité et son évolution dans le changement climatique : ainsi Ardeco vise à étudier la résilience des coraux profonds d’eau froide. En effet le réchauffement a pour conséquence de pousser les coraux vers des eaux toujours plus profondes et plus froides, alors que l’acidification tend à les faire remonter vers des eaux moins profondes et plus riches en carbonates. Les deux phénomènes conjugués pourraient réduire significativement la niche fondamentale des coraux profonds d’eau froide si ceux-ci ne sont pas en mesure de s’adapter. 

Diminuer l’impact de l’activité humaine

Observer la biodiversité pour mieux la protéger consiste aussi pour le Pôle Mer Bretagne Atlantique à limiter les impacts des activités humaines, que ce soit par la recherche de solutions innovantes ou des projets de remise en état du niveau écologique des milieux. C’est l’objectif de la formation « Les enjeux environnementaux d'une économie bleue » de l’université de Bretagne occidentale, labellisée par le Pôle Mer Bretagne Atlantique, parmi de nombreuses autres formations.

Les activités humaines concernent aussi bien les travaux portuaires (comment diminuer l’impact des travaux d’aménagement côtier sur l’écosystème marin avec le projet AGESCIC par exemple) que les énergies marines renouvelables (EMR), à travers notamment la mise en place de groupements d’intérêt scientifique tels que celui des éoliennes en mer de Yeu et Noirmoutier, dont le Pôle Mer Bretagne Atlantique est partie prenante. Les projets ABIOP+ et ANODE se concentrent par exemple sur les effets du biofouling sur les installations EMR.

Préserver la biodiversité consiste aussi à éviter les pollutions ou à lutter contre l'exploitation illicite et déraisonnée des océans, et le Pôle Mer Bretagne Atlantique a labellisé deux projets en ce sens : ALMACEN qui vise à exploiter les données satellitaires pour lutter contre le crime environnemental (et notamment la pêche illicite), et VPM, primé au Blue Challenge, qui par la valorisation de coproduits (petites moules s’épandant sur l’estran utilisées comme nutrition aquacole, arôme alimentaire…) obtient un impact positif sur la biodiversité (éviter la putréfaction de ces petites moules sur l’estran qui attire goélands et mouettes sur une surface concentrée).

D’autres projets vont encore plus loin et visent à recréer de la biodiversité, comme le projet LIF-OWI de France Energies Marines qui analyse le cycle de vie des parcs éoliens offshore en mettant en avant les effets positifs de leur présence sur la biodiversité.

La bioinspiration et ses multiples perspectives

Comme le souligne Gilles Bœuf, au-delà de la curiosité qu’elle suscite, la biodiversité océanique est aussi un puits inestimable pour la recherche. A ce jour plus de 25 000 molécules d’intérêt ont été identifiées à partir de la vie océanique, ce qui offre de précieuses possibilités en recherche, médecine, nutrition…

Par ailleurs, des projets scientifiques visent à s’inspirer des principes naturels comme le fait de reproduire le sens électrique des poissons pour retrouver des objets enfouis (DENEL) ou valoriser des matériaux biosourcés pour le nautisme (TRILAM BIOTEX)…

Des initiatives qui impliquent de réglementer l’utilisation des bioressources en assurant une gestion durable et respectueuse de celles-ci. C’est en ce sens qu’œuvre « l’European Blue Biobank » (EBB), dont le but est faciliter l’accès aux bioressources marines et le partage des avantages associés, en faisant notamment appliquer le protocole international de Nagoya sur la biodiversité, par la mise en place d’une banque des bioressources constituées par des centres de recherche et des laboratoires qui prélèvent et stockent la ressource. Ils la rendent ensuite accessible aux entreprises sur demande, de manière assez simple pour des projets de R&D et sur dossier plus complexe quand l’usage implique des retombées économiques, c’est le Ministère de la transition écologique qui prend le relais sur le dossier.

La bioinspiration ouvre d’immenses perspectives et un champ d’innovations technologiques reste encore à découvrir. C’est pourquoi le protocole de Nagoya (écrit en 2010) précise justement le cadre international du « mécanisme d'accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation ».