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 Entretien avec Jean-François MORIZUR, CEO et Co-fondateur de Cailabs

 

Jean-François Morizur : L’histoire de Cailabs remonte à 2010. Je travaillais durant ma thèse sur la manipulation d’états quantiques de la lumière au sein du Laboratoire Kastler Brossel. Pour réaliser ces expériences nous avons développé une technologie unique de mise en forme de la lumière, le MPLC (Multi-Plane Light Conversion). L’invention a été brevetée et trois ans plus tard Cailabs naissait.
Près de 8 ans après la création de Cailabs, l’entreprise compte désormais 60 employés et commercialise 4 lignes de produits protégées par 19 familles de brevets. Nous sommes désormais reconnus comme un des leaders mondiaux en mise en forme de la lumière.

 

Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ?

J.-F. M. : Les technologies photoniques sont employées pour la fabrication et le fonctionnement d’objets de notre vie quotidienne. Prenons votre smartphone par exemple. Pour obtenir la finition des écrans, il est nécessaire d’utiliser de la découpe laser. Avec nos produits CANUNDA, nous améliorons la qualité, l’efficacité et le rendement des procédés en modifiant la forme de la lumière. Il faut voir le laser comme une perceuse, et CANUNDA comme la mèche, qui permet une forme différente pour découper le verre, souder de la tôle ou texturer de la peinture.
Revenons au smartphone qui nous connecte constamment au reste du monde. Internet repose sur un réseau cœur de fibres optiques. En manipulant la forme de la lumière à l’intérieur des fibres optiques, nous pouvons rénover les vieilles connexions en leur offrant plus de débit avec nos produits AROONA, ou encore travailler sur les réseaux très haut débit du futur (Pb/s) grâce à Proteus.
Enfin, les connexions fibrées ne sont pas toujours possibles. C’est la raison pour laquelle SpaceX souhaite déployer des constellations de satellites qui permettront une connexion sur l’ensemble du globe. Comme sur Terre, une partie des échanges se feront via des communications laser en espace libre. Ce sont ces liaisons optiques en espace libre que nous améliorons avec la gamme de produit TILBA.
Manipuler la forme de la lumière, c’est permettre toutes ces applications.

 

Cailabs CANUNDA HP in situ Maupertuis 04 HD Cailabs min copie copie copieTête laser CANUNDA-HP utilisée en soudage laser à l’institut Maupertuis.

Cailabs TILBA ATMO BD Atypix min copie copieTILBA-ATMO, un module intégré qui rend possible la communication laser à travers la turbulence atmosphérique.

Quels sont les domaines d’applications applicables au maritime (communication, spatial, défense) ?

J.-F. M. : Notre technologie trouve bien sûr des applications dans les communications optiques marines, mais il faut retenir que partout où la lumière est utilisée, modifier sa forme permet d’améliorer ses propriétés.
Ainsi, les réseaux informatiques à l’intérieur des bateaux et des sous-marins sont composés de fibres optiques, souvent d’ancienne génération, qui offrent un débit limité. Notre produit AROONA permet d’en augmenter le débit sans avoir à remplacer les fibres, ce qui serait une opération extrêmement complexe et coûteuse dans ce type de bâtiments.
Le soudage des coques de navire est également un enjeu important. La technique de soudage laser permet des procédés très rapides et automatisables, et est déjà largement employée dans l’industrie automobile. Elle n’est cependant pas encore déployée industriellement dans l’industrie navale car elle ne permet pour l’instant pas de souder les tôles épaisses requises. La technologie de mise en forme réflective de Cailabs permet d’améliorer le rendement du soudage à des puissances très élevées (au-delà de 20kW), ce qui ouvre la voie au soudage laser de tôles épaisses. Nous travaillons actuellement avec l’Institut Maupertuis pour développer une nouvelle génération de notre tête laser CANUNDA-HP adaptée à ces problématiques. 

 


Cette communication par laser au-dessus de la mer, et peut-être aussi un jour sous la mer, présente de nombreux avantages. Pourriez-vous nous présenter ce qu’elle permet ?

J.-F. M. : Les technologies acoustique et radiofréquence sont historiquement bien développées dans la marine. Malheureusement, la première présente un très faible débit et une latence importante tandis que la seconde arrive en limite de capacité pour les nouveaux usages, comme le cloud, et sont en outre vulnérables aux attaques par brouillage ou interception.
Les communications laser permettent de transmettre des informations à la vitesse de la lumière avec des débits extrêmement importants. Contrairement aux radiofréquences, elles sont difficiles à détecter ou à intercepter et ne sont pas sensibles aux brouillages électromagnétiques. Les technologies optiques se positionnent donc parfaitement en complément des approches existantes pour assurer des liens furtifs très haut débits avec le continent, entre navires ou avec des unités aéroportées. Ces caractéristiques sont des atouts forts pour les applications de défense, mais pas uniquement. La capacité pour un navire de recherche ou un bateau de transport d’échanger de grandes quantités d’information (à plusieurs Gb/s), tout en libérant les fréquences radio pour les applications les plus critiques, présente un réel avantage. On le voit au coût d’achat des fréquences 5G, les bandes disponibles coûtent cher. L’optique permet de réserver ces fréquences là où elles sont nécessaires.